Hunger Games : quand l’anticipation se mue en dystopie.
En évoquant la space-fantasy il y
a quelques semaines, nous avions abordé l’une des deux influences majeures de
la science-fiction : le récit d’aventure. Nous allons donc maintenant
évoquer l’autre courant fondateur du genre : l’anticipation.
L’envie chez les écrivains,
réalisateurs et autres artistes d’imaginer le futur est ancienne. On peut citer
le roman L'An 2440, rêve s'il en fut
jamais de Louis-Sébastien Mercier
publié en 1771, considéré comme le premier roman d’anticipation et qui a donné
lieu à quelques œuvres majeures.
Les œuvres majeures du genre
Inventer une vision du futur
revient en général à imaginer à la fois les progrès de la technologie et la
mise en place d’une nouvelle société. Ceci peut se faire dans le cadre d’un pur
travail de spéculation intellectuelle, mais pour la plupart des auteurs il
s’est rapidement agi de faire de leurs œuvres une mise en perspective de leurs
sociétés.
Cette approche du genre fait que
les romans d’anticipation vont très souvent se caractériser par un relatif
pessimisme. Ainsi, même Jules Verne, considéré
comme le chantre du progrès technologique, va proposer à la fois des utopies
(représentations d’une société idéale) avec par exemple Les Cinq Cents Millions de la Bégum, mais également des dystopies
(ou contre-utopie, description d'une société imaginaire, souvent dictatoriale,
sans égard pour les libertés fondamentales), notamment dans Paris au XXe siècle dans lequel les
progrès technologiques s’accompagnent d’une société liberticide.
Si chez Jules Verne les œuvres majeures témoignent d’un relatif optimisme quant aux progrès de la science, on peut noter que pour d’autres auteurs majeurs du genre, H. G. Wells et Aldous Huxley par exemple, la postérité aura plutôt retenu leurs œuvres les plus pessimistes : Une Utopie Moderne et L'Île du docteur Moreau pour le premier, et Île et Le Meilleur des mondes pour le second.
Dans la deuxième moitié du 20ème siècle, le genre va évoluer progressivement. A l’approche
essentiellement sociétale qui trouve son apogée avec 1984 de George Orwell va
s’adjoindre une nouvelle réflexion sur les progrès technologiques donnant lieu
à l’apparition d’un nouveau sous-genre de l’anticipation : le cyberpunk.
Officiellement né dans les années
80 mais très influencé par l’œuvre de PhilipK. Dick, ce genre se caractérise par des réflexions sur l’intelligence
artificielle, le lien entre l’homme et les machines -notamment avec les
ordinateurs et internet-, mais également sur l’existence de multinationales
devenues plus puissantes que les Etats. Neuromancien
de William Gibson paru en 1984 est
considéré comme l’œuvre matrice du genre, notamment du fait de son influence
sur des œuvres postérieures comme Matrix d’Andy et Larry Wachowski ou Ghost in the Shell de Mamoru Oshii.
Cependant, malgré son impact sur le cinéma, le cyberpunk et le roman d’anticipation en général étaient des genres relativement déclinants au début du 21ème siècle, et ce pour deux raisons principales.
1. Même si le cyberpunk avait su anticiper l’impact des
réseaux sociaux par exemple, les
lecteurs se sont retrouvés confrontés au quotidien à un monde qui évoluait
beaucoup moins vite que dans les perspectives évoquées dans les romans
cyberpunk.
2. Quant au déclin des grands romans d’anticipation
sociétaux, il tient tout simplement à la rareté d’œuvres d’une telle valeur
littéraire et philosophique.
Damien Moutaux et Tristan Wallet (Médiathèque La Corderie, Marcq-en-Baroeul)