Dans la bibliographie à l’origine de ce blog, l’un des
chapitres s’intitule «Il était une fois…un nouveau territoire ». Nous y
évoquions, à travers quelques exemples, cette idée d’utiliser, voire de
détourner l’univers des contes merveilleux pour y inscrire de nouvelles
histoires.
Depuis la réalisation de notre bibliographie, cette approche
des contes a donné lieu à de nouvelles œuvres, notamment au cinéma et à la
télévision, et il paraissait intéressant de revenir plus longuement sur ce
phénomène.
Le conte merveilleux ou conte de fée est un sous-genre du
conte dans lequel interviennent des éléments surnaturels ou féeriques. Au fil
du temps, les contes ont acquis une notoriété très importante, notamment ceux d’Andersen, Perrault ou Grimm, mais cette démocratisation s’est
accompagnée d’une forme de méconnaissance de leur univers. En effet, à la
dimension initiatique destinée aux enfants, s’adjoignait une vraie volonté de
réintroduire le merveilleux et le surnaturel dans la société face au
rationalisme des Lumières.
Genre vaste et protéiforme, le conte merveilleux est
complexe à définir, toutefois on retrouve dans la plupart des cas l’idée que
l’histoire se déroule dans un « ailleurs » où le fantastique est la
norme, se distinguant en cela des mythes et légendes auquel il est parfois
associé et qui, eux, s’ancrent dans l’Histoire, le surnaturel étant lié au
contexte temporel d’une époque héroïque lointaine. Le conte merveilleux est en
cela le précurseur de la fantasy bien plus que du fantastique.
Le retour en force de l’univers des contes dans la
littérature et le cinéma fantastiques ne participe pas réellement d’une volonté
avérée des auteurs de revenir aux origines du conte, mais tient plutôt à la
démocratisation de la fantasy, même si quelques œuvres traduisent toutefois une
vraie connaissance des œuvres originales et la volonté de s’éloigner de la
vision disneyenne, certes charmante, mais aseptisée, des contes.
Nous distinguerons donc deux types de variations sur l’univers
des contes
-La première consiste en une reprise relativement fidèle du
récit afin d’en donner une nouvelle version.
-La seconde consiste en une utilisation plus générale des
contes sans s’attacher à l’un d’eux en particulier.
Les contes revisités, l’influence de la fantasy
Outre les œuvres originales (nous entendons par là les
versions écrites les plus anciennes et/ou reconnues), les versions les plus
connues des contes sont sans doute celles proposées par les studios Disney.
Cependant nous n’allons pas nous y attarder très longtemps dans cet article et
ce pour deux raisons :
-La première est leur notoriété, rendant quasi inutile
leur présentation
-La seconde, plus complexe, tient à ce qui semble être
l’approche de ces contes par Walt Disney : même si la dimension fantastique n’est pas totalement absente
puisque l’on retrouve dans ces histoires des dragons et autres sorcières,
l’atmosphère générale est plus proche de l’idée que se faisait Hollywood du
Moyen-âge et de la Renaissance en Europe et l’on n’y retrouve pas réellement
l’influence de l’heroic fantasy qui imprègne les œuvres plus contemporaines.
Puisque aucune chronologie claire ne semble se dessiner quant
à l’évolution de cette approche des contes, nous allons commencer par les
œuvres qui ont fait l’actualité de ces derniers mois.
Les mois d’avril et mai ont vu la sortie consécutive de deux
versions de Blanche-Neige.
- Blanche-Neige de Tarsem Singh qui se caractérise à la fois par
une approche esthétique singulière, faite de plans très travaillés mais ne
cherchant pas à donner une impression de réalisme, idée en phase avec la nature
des contes qui sont par définition délibérément fictifs, mais également par son
approche très contemporaine du vieillissement et de la perte de la beauté chez
les femmes.
- Blanche-Neige et le Chasseur de Rupert Sanders, qui, lui,
assume pleinement l’inspiration issue de la fantasy avec une atmosphère plus
proche du Seigneur des anneaux de Peter
Jackson.
Ce film est notamment produit par Joe Roth qui fut également
impliqué dans Alice au pays des
merveilles de Tim Burton qui présente
la particularité de s’inspirer autant d’Alice
au pays des merveilles que de sa suite De
l'autre côté du miroir. Visuellement, le film se situe entre les deux
versions de Blanche-Neige évoquées précédemment, mêlant batailles épiques et
scènes proches du cinéma d’animation.
- à noter également pour le jeune public Cendrillon au Far West, film d’animation français dont le rapport avec le conte original peut sembler lointain, mais qui témoigne en fait de la volonté du réalisateur Pascal Hérold de rendre hommage aux nombreuses versions de cette histoire.
- la France peut également
s’enorgueillir d’avoir été le berceau de l’une des premières adaptations
récentes et adultes des contes : le Petit Poucet d'Olivier Dahan qui
s’inscrit parfaitement dans la lignée des œuvres précitées, même si elle a reçu un accueil relativement tiède de la part du
public français.
Avant de remonter un peu dans le temps et de reparler
littérature, on peut évoquer quatre œuvres qui devraient faire l’actualité dans
un futur proche :
Tout d’abord Le Monde fantastique d’Oz de Sam Raimi,
(prequel au Magicien d’Oz de Lyman Frank Baum) prévu pour 2013, de même
qu’Hansel et Gretel de Tommy Wirkola puis Jack le tueur de géants réalisé par Bryan Singer, et enfin Maleficent de Robert Stromberg, relecture de La Belle au bois dormant prévue pour
2014.
En littérature, le phénomène est un peu plus ancien, on peut
citer ici quelques œuvres évoquées dans la bibliographie "Station Fantastik" :
Pour certaines il s’agit de redonner une tonalité plus
adulte à des contes associés à l’enfance.
- Belle de Robin Mckinley (Édité par Mnémos, 2011) reprenant La Belle et la Bête, popularisé par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont
- Le chaperon rouge : prenez garde au loup de Sarah Blakley-Cartwright (Édité par M.Lafon, 2011), novélisation du film éponyme de Catherine Hardwicke.
- Ludwig Revolution, le manga de Kaori Yuki (Édité par Tonkam, en 4 tomes, 2007-2008) qui détourne les contes des frères Grimm.
Cependant, dans la plupart des cas, il s’agit plutôt de
prolonger l’univers des contes, d’en imaginer la suite ou les prémisses :
- Wicked : la véritable histoire de la méchante sorcière de l'Ouest
de Gregory Maguire (Édité par Bragelonne, 2011) inspiré par Le Magicien d’Oz de Lyman Frank Baum
- Peter et la poussière d'étoiles de Dave Barry et Ridley Pearson (Édité par Albin-Michel Jeunesse, 2010) qui, à l’instar du Peter Pan de Régis Loisel, imagine la naissance de ce personnage.
Toutefois, cette envie de se livrer à une relecture d’un conte en particulier est par nature relativement contraignante et, par conséquent, certains auteurs ont préféré utiliser l’imaginaire des contes merveilleux de façon plus générale, l’idée ayant été réellement popularisée avec la sortie au cinéma de Shrek en 2001.
(suite et fin le 13 août...)
Damien Moutaux (Médiathèque la Corderie - Marcq-en-Baroeul)
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