lundi 6 août 2012

Les territoires du conte - 1/2


Dans la bibliographie à l’origine de ce blog, l’un des chapitres s’intitule «Il était une fois…un nouveau territoire ». Nous y évoquions, à travers quelques exemples, cette idée d’utiliser, voire de détourner l’univers des contes merveilleux pour y inscrire de nouvelles histoires.
Depuis la réalisation de notre bibliographie, cette approche des contes a donné lieu à de nouvelles œuvres, notamment au cinéma et à la télévision, et il paraissait intéressant de revenir plus longuement sur ce phénomène.
Le conte merveilleux ou conte de fée est un sous-genre du conte dans lequel interviennent des éléments surnaturels ou féeriques. Au fil du temps, les contes ont acquis une notoriété très importante, notamment ceux d’Andersen, Perrault ou Grimm, mais cette démocratisation s’est accompagnée d’une forme de méconnaissance de leur univers. En effet, à la dimension initiatique destinée aux enfants, s’adjoignait une vraie volonté de réintroduire le merveilleux et le surnaturel dans la société face au rationalisme des Lumières.
Andersen              les frères Grimm              Perrault
Genre vaste et protéiforme, le conte merveilleux est complexe à définir, toutefois on retrouve dans la plupart des cas l’idée que l’histoire se déroule dans un « ailleurs » où le fantastique est la norme, se distinguant en cela des mythes et légendes auquel il est parfois associé et qui, eux, s’ancrent dans l’Histoire, le surnaturel étant lié au contexte temporel d’une époque héroïque lointaine. Le conte merveilleux est en cela le précurseur de la fantasy bien plus que du fantastique.
Le retour en force de l’univers des contes dans la littérature et le cinéma fantastiques ne participe pas réellement d’une volonté avérée des auteurs de revenir aux origines du conte, mais tient plutôt à la démocratisation de la fantasy, même si quelques œuvres traduisent toutefois une vraie connaissance des œuvres originales et la volonté de s’éloigner de la vision disneyenne, certes charmante, mais aseptisée, des contes.

Nous distinguerons donc deux types de variations sur l’univers des contes 

-La première consiste en une reprise relativement fidèle du récit afin d’en donner une nouvelle version.
-La seconde consiste en une utilisation plus générale des contes sans s’attacher à l’un d’eux en particulier.

Les contes revisités, l’influence de la fantasy

Outre les œuvres originales (nous entendons par là les versions écrites les plus anciennes et/ou reconnues), les versions les plus connues des contes sont sans doute celles proposées par les studios Disney. Cependant nous n’allons pas nous y attarder très longtemps dans cet article et ce pour deux raisons :
-La première est leur notoriété, rendant quasi inutile leur présentation
-La seconde, plus complexe, tient à ce qui semble être l’approche de ces contes par Walt Disney : même si la dimension  fantastique n’est pas totalement absente puisque l’on retrouve dans ces histoires des dragons et autres sorcières, l’atmosphère générale est plus proche de l’idée que se faisait Hollywood du Moyen-âge et de la Renaissance en Europe et l’on n’y retrouve pas réellement l’influence de l’heroic fantasy qui imprègne les œuvres plus contemporaines.

Puisque aucune chronologie claire ne semble se dessiner quant à l’évolution de cette approche des contes, nous allons commencer par les œuvres qui ont fait l’actualité de ces derniers mois.
Les mois d’avril et mai ont vu la sortie consécutive de deux versions de Blanche-Neige.

- Blanche-Neige de Tarsem Singh qui se caractérise à la fois par une approche esthétique singulière, faite de plans très travaillés mais ne cherchant pas à donner une impression de réalisme, idée en phase avec la nature des contes qui sont par définition délibérément fictifs, mais également par son approche très contemporaine du vieillissement et de la perte de la beauté chez les femmes.

- Blanche-Neige et le Chasseur de Rupert Sanders, qui, lui, assume pleinement l’inspiration issue de la fantasy avec une atmosphère plus proche du Seigneur des anneaux de Peter Jackson.
Ce film est notamment produit par Joe Roth qui fut également impliqué dans Alice au pays des merveilles de Tim Burton qui présente la particularité de s’inspirer autant d’Alice au pays des merveilles que de sa suite De l'autre côté du miroir. Visuellement, le film se situe entre les deux versions de Blanche-Neige évoquées précédemment, mêlant batailles épiques et scènes proches du cinéma d’animation.

- à noter également pour le jeune public Cendrillon au Far West, film d’animation français dont le rapport avec le conte original peut sembler lointain, mais qui témoigne en fait de la volonté du réalisateur  Pascal Hérold de rendre hommage aux nombreuses versions de cette histoire.

- la France peut également s’enorgueillir d’avoir été le berceau de l’une des premières adaptations récentes et adultes des contes : le Petit Poucet d'Olivier Dahan qui s’inscrit parfaitement dans la lignée des œuvres précitées, même si elle a reçu  un accueil relativement tiède de la part du public français.

Avant de remonter un peu dans le temps et de reparler littérature, on peut évoquer quatre œuvres qui devraient faire l’actualité dans un futur proche :
Tout d’abord Le Monde fantastique d’Oz de Sam Raimi, (prequel au Magicien d’Oz de Lyman Frank Baum) prévu pour 2013, de même qu’Hansel et Gretel de Tommy Wirkola puis Jack le tueur de géants réalisé par Bryan Singer, et enfin Maleficent de Robert Stromberg, relecture de La Belle au bois dormant prévue pour 2014.

En littérature, le phénomène est un peu plus ancien, on peut citer ici quelques œuvres évoquées dans la bibliographie "Station Fantastik" :
Pour certaines il s’agit de redonner une tonalité plus adulte à des contes associés à l’enfance.
  • Belle de Robin Mckinley (Édité par Mnémos, 2011) reprenant La Belle et la Bête, popularisé par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont
  • Le chaperon rouge : prenez garde au loup de Sarah Blakley-Cartwright (Édité par M.Lafon, 2011), novélisation du film éponyme de Catherine Hardwicke.
  •  Ludwig Revolution, le manga de Kaori Yuki (Édité par Tonkam, en 4 tomes, 2007-2008) qui détourne les contes des frères Grimm.
Cependant, dans la plupart des cas, il s’agit plutôt de prolonger l’univers des contes, d’en imaginer la suite ou les prémisses :
- Wicked : la véritable histoire de la méchante sorcière de l'Ouest de Gregory Maguire (Édité par Bragelonne, 2011) inspiré par Le Magicien d’Oz de Lyman Frank Baum
- Peter et la poussière d'étoiles de Dave Barry et Ridley Pearson (Édité par Albin-Michel Jeunesse, 2010) qui, à l’instar du Peter Pan de Régis Loisel, imagine la naissance de ce personnage.

Toutefois, cette envie de se livrer à une relecture d’un conte en particulier est par nature  relativement contraignante et, par conséquent, certains auteurs ont préféré utiliser l’imaginaire des contes merveilleux de façon plus générale,  l’idée ayant été réellement popularisée avec la sortie au cinéma de Shrek en 2001.

 (suite et fin le 13 août...)
Damien Moutaux (Médiathèque la Corderie - Marcq-en-Baroeul)







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