Pour les
spécialistes, notamment anglo-saxons, la fantasy est une nébuleuse et les
adjectifs heroic, low, space... renvoient chacun à des genres précisément
définis. Dans le cadre de cet article, nous allons nous en tenir à une
définition plus générale du genre :
la fantasy, héritière du merveilleux, est un récit dans lequel le surnaturel est considéré comme la norme.
la fantasy, héritière du merveilleux, est un récit dans lequel le surnaturel est considéré comme la norme.
S'il
vise avant tout à ne pas s'enferrer dans des considérations trop absconses, le
choix de cette définition tient également aux spécificités de la fantasy
française qui, en dehors de quelques auteurs qui écrivent des
cycles à « l'anglo-saxonne » d'heroic fantasy d'inspiration
médiévale, se caractérise avant tout par des influences très mélangées. Ces influences,
dans une joyeuse confusion des genres, font toute l'originalité de la fantasy
française.
L’influence
anglo-saxonne
Si l’histoire de la fantasy débute avec des auteurs comme Lord Dunsany ou Edgar Rice Burroughs à l’orée du vingtième siècle, deux œuvres
peuvent être considérées comme fondatrices du genre dans son acceptation
contemporaine : Conan de Robert E. Howard et Le Seigneur des Anneaux de J.
R. R. Tolkien.
Tolkien en particulier va définir le cadre de l’heroic
fantasy d’inspiration médiévale qui va influencer durablement ses successeurs,
donnant notamment lieu au développement des jeux de rôles.
Le début des années 90 va voir apparaître une nouvelle génération d’auteurs, anciens rolistes, celle-ci va développer des univers d’heroic fantasy d’une richesse comparable à ceux des auteurs anglo-saxons.
On peut notamment citer Mathieu
Gaborit avec ses Chroniques des Crépusculaires en 1995 et Pierre Grimbert avec Le Secret de Ji en
1997.
Ce dernier donnera deux suites à cette série, Les Enfants de Ji et Les Gardiens de Ji, portant l’ensemble
de ce cycle à un total de 13 romans, ces séries s’inscrivant dans une veine
assez légère, proche de La Grande Guerre des dieux de David Eddings.
Pierre Grimbert va
également mettre le pied à l’étrier à un nouveau venu en coécrivant avec lui le
Cycle de la Malerune, par la suite Michel Robert développera son propre
univers avec son œuvre phare L'Agent des ombres dans une tonalité plus sombre proche de David Gemmell.
De nombreux auteurs vont s’engouffrer dans cette veine âpre et sombre, à l'origine de quelques œuvres majeures du genre comme :
- Bankgreen de Thierry Di Rollo.
- Hordes de Laurent Genefort.
- Winterheim de Fabrice Colin (voir article du 25 avril sur ce blog)
- Genesia - Les Chroniques pourpres d’Alexandre Malagoli.
A l’opposé de ces romans, quelques auteurs vont développer
une fantasy humoristique, voire parodique. On retrouve là encore la patte de Pierre Grimbert, puisqu’il est lui-même
l’auteur de la série Le Prophétionnel,
mais également éditeur du Donjon de Naheulbeuk de John Lang ainsi que de Noob de Fabien Fournier.
L’influence de la
fantasy historique
A la lisière du fantastique et de la fantasy, ce genre dans
lequel l’Histoire du monde est modifiée par l’apparition d’éléments surnaturels
a inspiré quelques auteurs français et notamment Pierre Pevel avec ses deux récits, Les lames du Cardinal, inspiré par les Trois Mousquetaires et La trilogie de Wielstadt, relecture de
la guerre de 30 ans.
Cependant, plus généralement, l’influence de ce genre, lié
sans doute au fait que l’Histoire occupe une place bien plus importante dans la
culture française qu’américaine, va faire que de nombreux écrivains
français vont développer dans leurs
récits de fantasy des univers bien plus
cohérents sur le plan historique que leurs homologues anglo-saxons, dans lesquels
les influences médiévales peuvent également se teinter indifféremment d’Histoire
antique ou moderne.
On peut ainsi citer les œuvres suivantes :
- Le diptyque La Pucelle de Diable-Vert de Paul Béorn inspiré par le personnage de Jeanne d’Arc.
- Sacrifice du guerrier de Jacques Martel.
- L'Archipel des Numinées de Charlotte Bousquet dans un univers proche de la Venise de la renaissance.
- Les extraordinaires & fantastiques enquêtes de Sylvo Sylvain, détective privé de Raphaël Albert (voir article du 10 juillet sur ce blog)
- Frankia de Jean-Luc Marcastel.
Ce qui fait toutefois l’originalité majeure de la fantasy
française et la distingue bien souvent de son homologue anglo-saxonne, c’est
l’influence de la science-fiction.
L’influence de la
science-fiction.
Si la science-fiction n’est pas un genre beaucoup plus
ancien que la fantasy - La Machine à
explorer le temps d’H. G. Wells date de 1895 et La Fille
du roi des elfes de 1924 - ce genre a connu en France une reconnaissance
bien plus précoce et la plupart des auteurs désireux d’écrire des récits
d’aventures teintés de magie ont été
influencés bien plus par le Cycle de Mars
d’Edgar Rice Burroughs que
par le Conan de Robert E. Howard.
De nombreux auteurs français se sont donc illustrés dans la space
fantasy, genre alliant space Opera et fantasy, considéré comme un
sous-genre de la science-fiction.
On peut citer ici :
- Les Hommes-machines contre Gandahar de Jean-Pierre Andrevon ainsi que les suites.
- D'un lieu lointain nommé Soltrois d’Éliane Taïeb plus connu sous ses pseudonymes Gilles Thomas et Julia Verlanger
- Rohel le conquérant de Pierre Bordage
- Les guerriers du silence de Pierre Bordage, cycle qui se rapproche parfois de La guerre des étoiles auquel Yoann Berjaud a donné une suite : Le chant premier : les derniers guerriers du silence.
Les récits évoqués jusqu'à présent relèvent du space opera, mais
les auteurs français ne vont pas hésiter à teinter de fantasy des œuvres d’anticipation
post apocalyptique, notamment Bernard
Simonay avec la Trilogie de Phénix dans laquelle les survivants de la fin du monde vont reconstruire une
civilisation d’inspiration médiévale.
Une ouverture vers un large public
L’heroic fantasy anglo-saxonne se caractérise souvent,
notamment chez les auteurs majeurs, par la longueur des cycles, qu’ils soient
clairement identifiés comme tels :
- La roue du temps de Robert Jordan
- L'épée de vérité de Terry Goodkind
- L'arcane des épées de Tad Williams
- Le trône de fer de George R.R. Martin (voir article du 10 août sur ce blog)
Ou qu’une grande partie de leurs romans s’inscrivent dans un
même univers :
- Les Chroniques de Krondor de Raymond E. Feist
- Le Cycle Drenaï de David Gemmell
- Le royaume des anciens de Robin Hobb
- Shannara de Terry Brooks
Les auteurs français ont, pour la plupart, une approche un
peu différente du genre. Conscients que le lectorat et le monde de l’édition
sont parfois réticents à s’engager dans un récit qui avoisine ou dépasse les dix
tomes, nos écrivains se sont orientés vers une production plus variée. Cela se traduit de deux manières :
En premier lieu, l’envie de sortir de la fantasy pour aborder
d’autres genres littéraires et notamment le roman policier qui caractérise par
exemple certains membres de La Ligue de l'Imaginaire ainsi que
d’autres auteurs dont on peut citer certaines œuvres :
- Elamia et Ne cherche pas à savoir d’Érik Wietzel
- La Moïra et Le rasoir d'Ockham d’Henri Loevenbruck
- Autre-Monde et La Trilogie du mal de Maxime Chattam
- Le cycle de la chair et Le club des apprentis criminels d’Audrey Françaix
En second lieu, par l’ouverture vers la littérature jeunesse
et plus particulièrement destinée aux adolescents :
- Furor et Les adversaires de Fabien Clavel
- La trilogie Morgenstern et Magies secrètes d’Hervé Jubert
- Le dit de Cythèle et Chroniques de la mort blanche de Nicolas Cluzeau
- Féerie pour les ténèbres et La dernière flèche de Jérôme Noirez
Pour conclure, j’espère que cet article vous donnera, outre
des propositions de lecture, une petite idée de la richesse de la fantasy
française qui, si elle ne s’est réellement détachée de la science-fiction que
dans les années 90, témoigne à travers une nouvelle génération d’auteurs d’une qualité qui n’a rien à envier aux
standards anglo-saxons.
Damien Moutaux (Médiathèque La Corderie - Marcq-en-Baroeul)
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