Écrivain français né
en 1908 et décédé en 1993, Marcel Béalu participe, dès 1940, à l’aventure des Poètes de l’École de Rochefort (avec Bouhier, Cadou, Manoll, Bérimont…).
Ensuite, il s’en
éloigne pour se rapprocher de l’esthétique érotico-onirique d’un auteur
surréaliste, plus ténébreux et singulier, du nom d’André Pieyre de Mandiargues.
Ce que l’on ne sait
pas toujours, c’est que Marcel Béalu, ex-chapelier-poète, devenu libraire à
Paris, dans une ancienne boucherie, au 62 de la rue Vaugirard, à l’enseigne du « Pont
Traversé »*, écrivit aussi des livres inquiétants,
tourmentés, mêlant l’étrange et le fantastique. Livres en prose ou contes brefs
remarquables et remarqués, comme autant de petits bijoux de perfection formelle,
qu’il conviendrait de redécouvrir au plus vite…
Aujourd’hui encore, « on s’explique mal que ces
livres proprement météoriques composés entre 1941 et 1953 aient été si peu
lus » écrit Georges-Arthur Goldschmidt. Alors que ces textes fascinèrent
en leur temps des lecteurs non négligeables : Max Jacob, Antonin Artaud, mais
aussi Jean Paulhan et André Pieyre de Mandiargues, « nous révélant un
héritier secret d'Hoffmann et de Kafka. »
Pour enfoncer le clou, ajoutons qu’au lendemain de la
Guerre, Antonin Artaud disait découvrir,
dans les contes autant que dans les courts romans de Marcel Béalu (Mémoires
de l'Ombre 1941; L'Expérience de la Nuit 1945 ; Journal
d'un mort 1947), « un écrivain selon ses vœux tourmenté comme lui par la cruauté
d'être. »
Marcel Béalu poursuivra encore dans la même veine avec son roman L'Araignée d'eau (1948) et surtout Contes du demi-sommeil (1960) qui regroupe l’essentiel de ses textes brefs, ciselés, d’une à trois pages à peine, mais qui suffisent à vous embarquer, à chaque fois, dans la fantasmagorie de leur auteur. Ensuite, il semble que l’inspiration de Marcel Béalu semble s’apaiser.
Marcel Béalu poursuivra encore dans la même veine avec son roman L'Araignée d'eau (1948) et surtout Contes du demi-sommeil (1960) qui regroupe l’essentiel de ses textes brefs, ciselés, d’une à trois pages à peine, mais qui suffisent à vous embarquer, à chaque fois, dans la fantasmagorie de leur auteur. Ensuite, il semble que l’inspiration de Marcel Béalu semble s’apaiser.
Tous ces livres ont été plusieurs fois réédités, notamment, chez
Phébus. Ils devraient faire partie des chefs-d’œuvre incontournables de notre patrimoine
littéraire.
Qui de mieux que Jean Paulhan, brillant secrétaire de
rédaction des éditions Gallimard, découvreur et défricheur des talents de la nrf, pour donner un avant-goût de l’univers
de Marcel Béalu en quelques lignes :
« Lire une page de Marcel Béalu, c'est pénétrer dans un pays singulier, un pays qui pourtant doit bien exister quelque part, plus haut ou plus bas que la terre, le pays de derrière la glace, ou de derrière l'eau, ou de derrière le ciel - ou de derrière nous. Il n'est pas de pays plus simple, ni plus logique, d'une logique si parfaite qu'elle rejoint la poésie. (…) On s'y sent immatériel ; pourtant il semble que le cœur y frôle toujours le fil de quelque lame. »
* La
librairie existe toujours à Paris à la même adresse. Elle est tenue par
Marie-José Béalu, dernière compagne du poète.
Contes du demi-sommeil & Journal d’un mort
Contes du demi-sommeil & Journal d’un mort
Les courts récits de Marcel Béalu sont, en effet, souvent énigmatiques,
leur atmosphère étrange. Le lecteur paraît flotter dans une réalité qui peut basculer,
lui échapper ou déraper, à tout moment, dans le fantastique. Ces contes ne sont
pas non plus dépourvus d’humour et d’ironie philosophique.
Prenons, par exemple, deux textes significatifs extraits de Contes
du demi-sommeil :
Le premier intitulé « Professeurs
à la boule » rappelle une fameuse scène de la série télévisée
britannique « Le Prisonnier » diffusée en France en 1968 :
« Plusieurs éminents professeurs, au retour d’un congrès,
rencontrèrent une boule. Elle descendait lentement la route et ils s’écartèrent
pour lui livrer passage. » Les professeurs se succèdent, puis s’extasient
devant les évolutions de cette mystérieuse et singulière boule de trois mètres
de diamètre », jusqu’à la chute du texte qui ne défait ni notre
surprise, ni le comique de la situation. La boule en lévitation, entre terre et
ciel, qui intrigue la communauté des scientifiques jusqu’au crépuscule, se
révèle être en fait… « un œuf d’ange ».
Le titre du second texte intitulé « Ville Volante » est déjà, à lui seul, suffisamment
explicite. De quoi s’agit-il ? La nuit, dans un énorme barouf, une ville
se détache soudainement du sol et s’envole pour un voyage intersidéral à la
grande stupéfaction de ses habitants stoïques, laissant sur la terre un cratère
comme « une tourbière nauséabonde d’où couraient, affolés, termites et
scolopendres ».
À chaque récit, la minutie de la description et l’implacable
logique d’horlogerie des textes de Marcel Béalu emportent l’adhésion !
Dans un autre livre, « Le
Journal d’un mort », Béalu enchaîne, au contraire, les courtes proses
pour dérouler le journal intime, grinçant, d’un mort. Chaque texte raconte
- un peu comme pour le personnage Plume
d’Henri Michaux - les errements d’un être
étrange, vaporeux, suspendu, qui semble errer, malgré lui, entre le monde des
morts et celui des vivants, juché sur une cheminée. Il lui arrive toutes sortes
de péripéties, plus incongrues les unes que les autres, terribles ou
incroyables, entre rêves et cauchemars. Si le personnage, sorte de revenant
malfaisant, est doté d’étranges pouvoirs, en même temps il se retrouve souvent seul,
perdu, isolé, du monde des vivants, qui lui devient même hostile à certains
égards.
« J’aimais crier sauve-qui peut dans les endroits publics, casser
les assiettes sur la tête des convives, m’asseoir à l’envers dans les
fauteuils, introduire dans une orange creuse la flamme d’une bougie, coudre le
chat dans l’édredon, enfermer mon cœur dans la soupière, faire semblant de
dormir dans les tiroirs, crier oua oua oua dans les cimetières, déclouer de
temps en temps une étoile et la cacher dans la main d’un enfant… Et tout ce que
j’aime encore et que je ne peux pas dire ! »
Même dans ces textes poétiques, Marcel Béalu est un des
seuls à avoir su réaliser cette alliance rare et précieuse entre poésie et
fantastique :
Un étranger ne saurait pénétrer
Dans cette ville de cristal
Où libre et prisonnier je vacille
Flamme dans le vent
Marcel Béalu ne saurait être oublié. Ses livres en prose
sont envoûtants. « Cet écrivain du secret », selon les mots même de son biographe Yves-Alain Favre,
inquiète et conduit à l’essentiel. »
Je vous invite à plonger, à votre tour, dans l’eau noire des
livres « pleins de mystère, de fantastique et d’inattendu », où
l’érotisme et l’onirisme de Marcel Béalu décuplent encore leur fantasmagorie.
François-Xavier
Farine (Médiathèque départementale du Nord)
Bibliographie
disponible :
Les messagers
clandestins : contes, 2005, 13 €.
L’Araignée d’eau
(bref roman), Phébus, 1994, 15,30 €.
Marcel Béalu par
Yves-Alain Favre et Jean-Jacques Khim
(Monographie suivie d’un choix de textes), Seghers, Coll. Poètes d’aujourd’hui n°263, 11,60 €.
(Monographie suivie d’un choix de textes), Seghers, Coll. Poètes d’aujourd’hui n°263, 11,60 €.
Il existe un fonds Marcel Béalu qui est conservé à la Bibliothèque universitaire d’Angers
comprenant des photos de ses amitiés littéraires avec Max Jacob et les poètes
de l’École de Rochefort.
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