S’il n’est pas à proprement parlé
le fondateur du genre - l’heroic fantasy*, que les spécialistes attribuent
plutôt à Robert E. Howard voire à Edgar Rice Burroughs - John Ronald Reuel Tolkien n’en est pas moins la source d’influence majeure
pour les auteurs contemporains, notamment pour avoir fixé dans le marbre les
caractéristiques de nombreuses créatures qui peuplent ses récits : trolls,
elfes et autres magiciens.
Il est toutefois une créature
majeure du genre, le dragon, qui a échappé, au moins partiellement, à
l’héritage de Tolkien.
Aussi moderne soit-il, l’auteur
du Seigneur des anneaux n’en est pas
moins né au XIXe siècle et ses références sont de ce fait puisées à la fois
dans les mythologies nordique et germanique, mais également dans le
christianisme.
Cette double influence fait que
les dragons de la terre du milieu sont avant tout des êtres maléfiques dans la
lignée des créatures combattues par Siegfried, Beowulf ou les saints
sauroctones**.
Cependant, l’image des dragons
dans la fantasy va évoluer rapidement, et ce pour deux raisons :
- l’impact de
la mythologie orientale dans laquelle les dragons, symboles des forces de la
nature, ne sont pas forcément maléfiques
- l’influence
des jeux de rôles qui vont faire de ces créatures des personnages de premier
rang.
Ces évolutions vont faire
qu’actuellement on peut distinguer trois grands types de dragons dans les
récits de fantasy : des dragons maléfiques, des dragons servant de
montures et de compagnons aux héros et enfin, de façon moins fréquente, des
dragons assimilés à des puissances supérieures, avatars des divinités ou des
forces de la nature.
Il ne s’agit pas ici de dresser
un catalogue exhaustif des dragons dans les récits de fantasy contemporains, mais
d’illustrer par quelques exemples les hypothèses évoquées ci-dessus.
Les dragons maléfiques :
.
- Dans La légende de Drizzt de Robert Anthony Salvatore issu de
l’univers des Royaumes oubliés, on
retrouve l’une des approches des dragons dans les jeux de rôles, celui de
gardien de trésors qui doit être vaincu par le héros pour s’approprier ses
richesses. Drizzt y trouvera l’un des cimeterres magiques qui l’accompagneront
tout au long de ses aventures.
Dans les deux exemples précités,
les dragons ne jouent qu’un rôle mineur dans l’histoire, mais il existe d’autres
récits dans lesquels ils apparaissent en tant que race comme les antagonistes
principaux des héros.
- dans Les chroniques d'obsidienne de Lawrence Watt-Evans, on suit les
aventures d’un jeune garçon dont la famille est massacrée par les dragons et
qui va vouer le reste de son existence à sa vengeance.
- dans La Geste des Chevaliers Dragons, bande dessinée scénarisée par Ange, l’apparition de ces
créatures génère un mal qui transforme les humains en monstres sauvages ;
les dragons sont alors combattus par un ordre de chevaliers-dragons formé de
guerrières vierges.
- on peut évoquer également une autre
série, plus complexe : L'âge des
dragons de James Maxey, dans laquelle les hommes sont devenus les
serviteurs des dragons et tentent de regagner leur liberté. Celle-ci s’éloigne
néanmoins de la vision de Tolkien puisqu’elle s’interroge plus sur l’asservissement
d’une population par une autre, donnant à voir des dragons ambigus, certains
étant favorables aux humains alors que d’autres souhaitent l’extinction totale
de l’humanité.
- enfin une série qui servira de
lien avec le thème suivant, Les
rois-dragons de Stephen Deas dans
laquelle les dragons, désormais asservis, servent de montures aux chevaliers.
La série narre leur réveil et le risque qu’il fait courir à l’humanité.
(à suivre)
(à suivre)
Damien Moutaux (Médiathèque La Corderie Marcq-en-Baroeul)
*heroic fantasy, genre dérivé du merveilleux dans lequel les récits se déroulent dans un lieu totalement imaginaire où le surnaturel est la norme.
** saints sauroctones, saints attachés à un lieu, qu'ils ont christianisé en tuant le dragon qui terrorisait la population
Tolkien était catholique, c'est vrai, et il tendait à défendre les traditions et la conception du dragon comme expression du mal, qui est présente aussi dans l'iconographie chrétienne, pas seulement dans la mythologie germanique. Il restait tributaire d'une vision manichéenne. Mais à mon avis, il faut prendre garde à ce que ceux qui se réclament des traditions orientales tombent souvent dans une forme de fatras dénué de sens et de substance, car ils prennent de l'Orient seulement la superficie. Il faudra voir à l'usure si les successeurs de Tolkien seront parvenus à changer l'image des dragons. L'écrivain principal qui a essayé de le faire est à mon avis Ursula Le Guin dans "Terremer", qui est un très beau livre, mais quand même pas à la mesure de ceux de Tolkien.
RépondreSupprimerMerci, Rémi, pour votre commentaire et l'intérêt que vous portez à notre blog
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